Quelques remarques sur une promotion prétendument au « mérite »
D’un point de vue strictement mécanique, le changement de procédure (examen de tous les candidats potentiels) a sensiblement modifié la donne par rapport aux années précédentes. Des candidats bien classés en 2004 ont perdu des dizaines de places dans certains cas. On peut cependant noter que l’attribution à certains candidats des 20 pts-IPR n’a fait qu’amplifier ce phénomène, empêchant ainsi de nombreux collègues d’obtenir dans un délai raisonnable, voire avant leur départ en retraite, une promotion de fin de carrière à laquelle ils pouvaient légitimement prétendre.
En effet, dans beaucoup de disciplines ces 20 pts ont placé en tête des collègues jeunes (moins de 50 ans et jusqu’à 35 ans) au détriment de plus âgés et, quelquefois, plus diplômés (cf. Philosophie). Une telle politique est non seulement inique mais de plus aberrante. Les effets financiers de la hors classe n’apparaissent qu’au bout de 4 ans passés dans le 11e échelon. Favoriser des collègues relativement jeunes ne leur apporte rien dans l’immédiat mais prive - quelquefois définitivement - des plus anciens des avantages de la hors classe.
Dans certaines disciplines les IPR n’ont pas eu le temps ou la possibilité ou le désir d’aller voir des collègues dans leurs classes récemment. Se pose donc la question de savoir de quelles informations ils disposent pour les évaluer : anciens rapports, impressions des chefs d’établissement, relations privilégiées, ouï-dire... ? Cela vaut pour les bénéficiaires des 20 pts-IPR (sur quels critères ont-ils été attribués ?) comme pour les non-bénéficiaires qui n’ont pas été inspectés depuis 5 ans ou plus (sur quels critères ces points n’ont-ils pas été attribués ?). Les fréquences d’inspection très variables d’un établissement à un autre, d’une zone géographique à une autre, d’une discipline à une autre sont un facteur important d’inégalité de traitement entre les collègues. Jusqu’ici cette injustice était en partie corrigée par la péréquation des notes pédagogiques datant de plus de 5 ans. L’attribution discrétionnaire des 20 pts-IPR contribue à l’aggraver (cf. Allemand).
Dans le détail, parmi les disciplines où les 20 pts-IPR favorisent les collègues âgés de 50 ans ou moins, on peut citer :
Arts plastiques, Éducation musicale, Philosophie, Lettres, Histoire-Géographie, SES, Mathématiques, Sciences physiques, SVT, Allemand, Espagnol, Économie-Gestion, EPS... bref, quasiment toutes.
De plus, on chercherait vainement une logique commune sous-tendant cette promotion forcenée des plus jeunes tant les situations sont disparates et/ou incohérentes selon les disciplines.
Ainsi en Arts plastiques et en Allemand seuls les collègues bénéficiant des 20 pts-IPR et propulsés aux toutes premières places - celles qui ont vraiment de l’importance en CAPN - ont une note pédagogique datant de moins de 5 ans. En revanche, 2 collègues âgés respectivement de 54 et 56 ans qui n’ont pas été inspectés depuis plus de 5 ans n’ont pas droit à ces 20 pts. En Sciences physiques, sur les 12 premiers candidats classés, tous les bénéficiaires des 20 pts-IPR ont été inspectés depuis moins de 5 ans. Situation comparable en Anglais où, toujours sur les 12 premiers candidats, 6 bénéficiaires des 20 pts sur 7 ont été inspectés depuis moins de 5 ans alors que tous les non-bénéficiaires sauf un ont une note pédagogique datant de plus de 5 ans.
Au vu de ce qui précède il est manifeste que le système favorise les collègues que les IPR connaissent d’une façon ou d’une autre et que les autres sont purement et simplement oubliés dans la distribution. Cela signifie-t-il pour autant que ces derniers ne font pas consciencieusement leur travail, qu’ils ne préparent pas leurs cours, ne corrigent pas les copies de leurs élèves, ne s’investissent pas dans leur métier même s’ils ne cherchent pas à se faire remarquer ?
À cause de ces 20 points discrétionnaires, titres et qualifications ont dans certaines disciplines encore moins de poids dans le barème qu’ils en avaient jusqu’à l’année dernière. En Philosophie un collègue de 58 ans, agrégé par concours et titulaire d’un doctorat, se voit passer devant par 2 collègues âgés de 46 et 44 ans sans aucun point de diplôme. En Anglais, une IPR stagiaire parvient à gagner 7 places grâce aux 20 points attribués par... l’IPR. Il est vrai qu’un petit coup de pouce peut se révéler fort utile lorsque l’on ne bénéficie ni de points de concours ni de points de diplôme.
Dans d’autres disciplines les qualifications acquises ont tellement peu d’importance que 3 collègues se voient même retirer les 20 points accordés par le concours... auquel ils ont pourtant bel et bien réussi ! Un jury de concours était jusqu’ici souverain. À partir de cette année un IPR peut, à lui tout seul, décréter que les décisions d’un jury d’agrégation sont nulles et non avenues.
Une autre curiosité mérite d’être signalée : l’absence de concordance entre la « valeur professionnelle » récompensée par l’attribution des 20 pts-IPR et une note pédagogique qui n’atteint pas véritablement les sommets auxquels on pourrait s’attendre. Cet hiatus apparaît dans pas moins de 6 disciplines :
En Histoire-Géographie un bénéficiaire de ces 20 points a une note pédagogique de 48 tandis que beaucoup d’ « oubliés » ont une note de 51 ou plus.
En Mathématiques un collègue ne bénéficie pas des 20 pts-IPR avec une note de 51 égale à celle du premier de la liste. En revanche, 4 autres collègues y ont droit avec une note inférieure ou égale à 49.
En Sciences physiques 2 candidats bénéficient des 20 pts-IPR avec des notes de 42 et 44 alors que 5 collègues (non-bénéficiaires) sur les 12 premiers de la liste ont une note au moins égale à 47.
En STI un collègue non-bénéficiaire des 20 pts-IPR se voit, malgré une note pédagogique de 59, relégué derrière des candidats « récompensés » avec une note inférieure de 1, 2 et même 4 points.
En Anglais 1 candidat bénéficie des 20 pts-IPR avec une note de 44 tandis que 3 n’y ont pas droit malgré une note de 47.
En Lettres, enfin, des candidats bénéficient des 20 pts-IPR avec une note de 46, 44, voire 43 alors que bon nombre de non-bénéficiaires ont une note pédagogique au moins égale à 47, l’un d’eux ayant même 50.
Il apparaît donc que, dans de trop nombreux cas, la notation pédagogique n’a qu’une importance très relative. Pourtant on pouvait croire, jusqu’ici, qu’elle sanctionnait déjà la « valeur professionnelle » des enseignants puisqu’elle était la conclusion logique d’une inspection suivie d’un entretien. On constate aujourd’hui que cette même valeur professionnelle est en quelque sorte évaluée 2 fois, mais qu’il n’existe pas nécessairement de corrélation entre les deux évaluations. Comprenne qui pourra...
Au milieu de tout ce fatras d’injustices et d’incohérences il faut toutefois noter un point positif : en Génie biologique aucun candidat à la hors classe n’a bénéficié des 20 pts-IPR, preuve que certains IPR ont refusé d’entrer dans cette logique toute « managériale » de promotion au mérite caractérisée par l’arbitraire. Preuve aussi qu’une telle dégradation de nos perspectives de carrière n’est pas nécessairement irréversible. Il nous appartient donc de faire savoir au ministre que nous exigeons pour la campagne de promotion à la hors classe des agrégés de 2006-2007 un retour à l’équité la plus élémentaire, c’est-à-dire à un barème fondé exclusivement sur des critères objectifs et vérifiables - notamment par les élus à la CAPA et à la CAPN.
Si nous ne réagissons pas dans les plus brefs délais, non seulement les bonifications discrétionnaires resteront mais elles prendront encore plus d’importance dans un barème qui n’aura plus de barème que le nom.
Les élu(e)s commissaires paritaires agrégé(e)s du SNES-FSU