Au moment où nous appelons l’ensemble des personnels à reconduire et élargir les mouvements en cours (voir l’actualité sur ce site et le site national), il nous paraît important d’éclairer l’information et la réflexion de chacun en revenant sur la question de l’exercice du droit de grève, dans une période compliquée en plus par l’approche de la période des examens. Vous trouverez dans cet article :
– un rappel sur les conditions et les limites du droit de grève
– quelques éléments de réflexion plus précis posés par la question des examens.
Pour commencer, quelques rappels :
Le droit de grève est un droit de l’ensemble des personnels, qu’ils soient titulaires, stagiaires, ou précaires. Toute pression, quelle qu’elle soit, en particulier sur des catégories de personnels plus « fragiles » comme les stagiaires IUFM ou les M.A, contractuels, etc., est donc inadmissible et doit nous être signalée pour que nous intervenions afin d’exiger le respect du droit de grève.
Sur la législation et la jurisprudence concernant l’exercice concret de ce droit, quelques précisions utiles sur ses conditions et ses limites :
– Quelle que soit la durée de la grève dans une journée, c’est un trentième du salaire qui est retenu, même pour une heure de cours seulement. (amendement Lamassoure à la loi du 30 juillet 1987)
– D’autres activités, considérées comme faisant partie des obligations de service, font l’objet de retenues sur salaire pour service non fait : il y a « service non fait » « lorsque l’agent, bien qu’effectuant ses heures de service, n’exécute pas tout ou partie des obligations de service qui s’attachent à sa fonction » (loi du 29 juillet 1961). Une abondante jurisprudence répertorie les différentes situations considérées comme relevant du service non fait, par exemple :
ne pas remplir les bulletins trimestriels pour les conseils de classe
ne pas participer à un jury de Bac
– problème d’une grève à la veille d’un week-end ou de vacances :un texte important considère que « le montant des retenues à opérer sur le traitement d’un agent public s’élève à autant de trentièmes qu’il y a de journées comprises du premier jour inclus où cette absence de service fait a été constatée, même si, durant certaines de ces journées, cet agent n’avait, pour quelque cause que ce soit, aucun service à accomplir » (Conseil d’Etat, arrêt du 7 novembre 1978). Ce qui signifie en clair qu’une grève un vendredi peut se traduire par le retrait du vendredi, du samedi et du dimanche, si la reprise du travail est le lundi. Même raisonnement pour une veille de vacances.
Le problème peut se poser actuellement :dans le cadre d’une grève reconductible, c’est une règle à anticiper pour limiter les retenues financières, par exemple en reprenant son service au moins une heure à la veille d’un week-end ou de vacances.
– Préavis de grève : dans la période actuelle, qui inclut dans l’ensemble des académies la possibilité d’actions reconductibles, les personnels sont couverts par les organisations syndicales engagées dans le mouvement. Donc inutile de déposer un préavis localement dans un établissement, par exemple. Il est toutefois utile de ne pas oublier de nous informer !
– Réquisitions : la limitation du droit de grève est possible pour un « usage abusif » mettant en cause « la continuité du service public, qui, tout comme le droit de grève, a le caractère d’un principe de valeur constitutionnelle » (Conseil Constitutionnel, arrêt du 28 juillet 1987). D’autres textes dans la jurisprudence précisent les conditions de ces interdictions du droit de grève par l’ autorité compétente ( Ministre, chef d’établissement) qui peuvent se traduire par la réquisition de personnels. Pas de précédent à signaler dans notre secteur mais la question peut se poser si le déroulement des examens est compromis par des grèves.
Quelques réflexions maintenant sur le problème des examens : parlons franc !
Nous savons que beaucoup d’enseignants s’interrogent sur la poursuite de l’action à l’approche des examens, notamment dans les lycées, où la moindre participation à la dernière grève était sans doute probablement en partie due au calendrier, face à l’échéance du Bac.
Dans le même temps d’autres, voire les mêmes, se posent la question récurrente de la grève des examens, qui revient régulièrement dans les salles des profs ou les AG comme modalité d’action envisageable. Face aux blocages et au mépris du gouvernement ; ce type d’action peut certes être « tentant » mais.....
Qu’en pensons-nous ? Voici les résultats du dernier Bureau Académique du SNES, qui s’est tenu le mardi 29 avril dernier, que nous mettons à la discussion parmi les collègues :
– Financièrement, les actions tendant à bloquer les conseils de classe, examens, risquent fort de ne pas être plus économiques que la grève, et donc inefficaces comme relais après déjà plusieurs journées de grève pour ceux qui ont participé à tous les mouvements ( cf le premier point de cet article). Nous ferons également remarquer que, dans l’académie, l’investissement encore relatif de la profession laisse des potentiels pour élargir et relayer les autres académies et les collègues en grève reconductible ( vu la moyenne des taux de participation ux différentes grèves).
– Dans le cadre de toutes les actions déjà menées, l’une de nos priorités, au plan national comme au plan académique, est la campagne auprès de l’opinion et des parents. Lors des dernières grèves, les personnels ont obtenu le soutien voire la participation des parents d’élèves ; l’information des familles et la discussion restent plus que jamais une priorité dans la période actuelle. Une action vécue par les parents comme mettant en cause la réussite des candidats aux examens n’est pas pour nous envisageable, pour ces raisons. D’autant que le gouvernement, relayé par les médias, ne manquera pas de nous prendre pour cible en cherchant à dénigrer un mouvement qui a bien pourtant pour objet de défendre le service public d’éducation, et donc l’avenir des jeunes. Le point de vue unanime du Bureau est que nous ne gagnerons pas en nous mettant l’opinion à dos.
– D’un autre côté, le gouvernement compte sans doute aussi sur notre conscience professionnelle pour espérer que le mouvement s’éteigne avec l’arrivée du Brevet, du Bac, des examens de BTS, etc, sans oublier la charge de travail de plus en plus écrasante que représente en ce moment le bouclage des programmes, les conseils de classe, en attendant les copies et les oraux...De quoi ne plus avoir le temps, ni l’envie, de revendiquer. Cette deuxième hypothèse ne nous a pas paru plus acceptable que la précédente, parce qu’elle joue sur une auto-censure et un service minimum « auto-imposé », et que, les échéances du gouvernement étant ce qu’elles sont, des décisions importantes seront prises dans le dos des élèves et des personnels.
– Les constats et les arguments ci-dessus nous ont amenés à mettre dans le paysage, dès maintenant, l’éventualité du report des examens ; la lettre adressée au Recteur, pour transmission au Ministre (sur ce site, ci-joint ) présente nos arguments : le silence chronique du gouvernement et son mépris des personnels malgré des actions reconduites tout au long de l’année le rend à notre avis pleinement responsable de la situation actuelle, et nous tenions à faire savoir que nous appelons les collègues à ne pas désarmer, y compris après le 6, si le blocage se poursuit. Nous avons d’ores et déjà demandé au Recteur de reporter des commissions d’harmonisation de TPE et quelques épreuves de BTS, mais, les premières épreuves du Bac intervenant dès la fin mai, nous tenions à mettre le gouvernement en face de ses responsabilités si le blocage devait perdurer. Nous sommes bien entendus conscients des implications de cette éventualité du report des examens !