Le CDEN (Comité Départemental de l’Education Nationale, présidé par le Préfet, réunissant les représentants des organisations syndicales, des représentants des parents d’élèves et des élus et chargé de débattre des questions éducatives concernant le département) s’est réuni le 10 mai à l’initiative du Conseil Général et suite aux multiples interventions de la FSU en direction de ce dernier et des collègues depuis l’annonce faite par le Conseil Général au cours du premier trimestre de son plan de lutte contre l’échec scolaire. Vous trouverez ci-après un compte-rendu que nous avons voulu le plus objectif possible.
Albéric de Mongolfier (AdM), président du Conseil Général (CG), rappelle que ce plan part d’un constat, que la FSU a d’ailleurs contribué à faire connaître et qui est préoccupant : le département est très en retard du point de vue de la réussite des jeunes. On ne peut d’ailleurs l’expliquer par la présence de nombreuses ZEP, ces établissements pouvant avoir de bons résultats (voir Châteaudun). Le CG a donc décidé (modestement) de se préoccuper de l’échec scolaire, en s ’appuyant sur la communauté éducative (et en aucun cas avec la volonté de s’y substituer).
Frédérique Lalys (FL), du SNES, donne la position de la FSU. Lutter contre l’échec scolaire suppose une stratégie et des moyens lourds pour pouvoir disposer dans les collèges d’équipes complètes de personnels (enseignants, COPsy, conseillers d’éducation, MISE, infirmières, assistantes sociales, ATOS), de temps pour dialoguer avec les élèves et leurs familles, pour proposer des solution, faire un suivi régulier sur toute la scolarité, suivre une formation continue ambitieuse. Autant de propositions dont la mise en œuvre ne peut et ne doit relever du CG. Cette décentralisation rampante est une mauvaise réponse à un vrai problème.
Chaque mesure est ensuite proposée et débattue.
M Clément (M.C) présente la mesure n°1 : doublement de la dotation spécifique accordée pour les collèges classés en ZEP, ZUS et ZRR.
FL précise que la FSU ne s’opposera pas à cet abondement mais fait observer que l’Etat s’est toujours déchargé de ces crédits spécifiques en ne prévoyant aucun moyen dans le cadre des crédits déconcentrés attribués aux départements. L’inégalité sur le territoire national résulte aussi de ce genre de mesures décentralisées !
M.C présente la mesure n°2 : développement d’actions de soutien scolaire (mise en place d’ateliers périscolaires au sein des collèges, utilisation des matériels informatiques des collèges pour le soutien scolaire, développement du dispositif de mobilisation des structures de soutien scolaire existant en Eure-et Loir). Des établissements de Dreux sont déjà concernés par ce dispositif et l’expérience est positive d’après leurs chefs d’établissement.
FL estime que ces actions dépassent le seul soutien, relèvent pour certaines des enseignements disciplinaires et qu’il faudrait avoir des bilans plus larges que les simples avis des chefs d’établissements qui n’ont par ailleurs aucune compétence pédagogique.
AdM répond qu’on a là un apport de moyens supplémentaires grâce au CG, ce qui ne peut être que positif.
FL objecte qu’il serait bien plus judicieux que les dispositifs d’aide et de soutien soient inclus dans la DGH et donc dans les services des collègues, sans quoi on ne fait qu’alourdir la charge de travail des enseignants et pallier le désengagement de l’Etat.
Hugues Villemade (HV), secrétaire de la FSU-28, ajoute que ce dispositif pose le problème de la notion de projet. Un projet n’est en effet valable que s’il est mené sur une période assez longue et par une équipe stable. Or, il y a là source d’inégalités entre établissements : ceux où les équipes connaissent un important turn over et qui sont souvent les plus difficiles risquent d’être pénalisés. La lutte contre l’échec scolaire doit être du ressort de l’État (même si le CG peut l’appuyer) et le CG ne doit pas influer sur l’orientation pédagogique des établissements.
M. Sourisseau (M.S), Conseiller Général, explique que ces dispositifs existent depuis longtemps sur le Drouais. Ils ont été peu à peu pérennisés et ont contribué à la réussite (ou au moindre échec) des élèves. L’équité consistait à élargir le dispositif à l’ensemble du département.
HV, concernant le matériel informatique, dit que le raccordement ADSL est une chose positive mais que le parc informatique ne suit pas toujours (ex. : certains établissements fonctionnent toujours avec des Pentium 100). En outre, la question de la maintenance pose un problème de personnels : des postes existent en théorie dans la Fonction Publique mais les concours ne sont pas ouverts. Il ne faudrait pas que se développe l’idée de prendre sur les moyens d’enseignement de quoi assurer cette maintenance, comme c’est le cas dans certains établissements.
AdM et M.C présentent la mesure n°3 : Le CG va acquérir 5 800 exemplaires d’une encyclopédie afin d’en doter les élèves de 6° mais aussi les CDI.
FL relève que la dotation par collège revient à 3 200 €, ce qui est bien supérieur au budget annuel de certains CDI. Il vaudrait mieux que cette somme leur revienne, afin que les documentalistes, chargés de former les élèves à l’autonomie face aux ressources documentaires, disposent d’ouvrages plus nombreux pour toute la collectivité.
Pour AdM, ce n’est pas incompatible avec une action collective (voir partenariat avec la BDP).
HV remarque que cette mesure mobilise des fonds importants (160 000 €) qui seraient plus utiles pour augmenter les budgets d’acquisition des CDI, dont les dotations actuelles sont si basses que cela leur permettrait de doubler, voire tripler leurs moyens. D’autre part, les CM2 ont souvent déjà reçu une encyclopédie, ce qui risque de créer un doublon.
AdM précise que cette mesure n’est pas isolée mais se complète avec d’autres (voir plan pour la lecture publique). Elle va par contre permettre de doter les familles d’une encyclopédie, que beaucoup ne possèdent pas.
Pour le représentant de la PEEP,c’est une bonne mesure : l’encyclopédie pourra servir à toute la famille, les CDI ont déjà suffisamment d’ouvrages et l’expérience des écoles primaires où les élèves reçoivent des dictionnaires montre que les familles en sont reconnaissantes.
FL ajoute que si l’encyclopédie est siglée « Conseil Général » avec une préface du Président, alors la mesure relève plus de l’opération clientéliste !...
AdM annonce les mesures n°4 et n°5 : créer un partenariat entre la Bibliothèque Départementale de Prêt et les CDI des collèges pour favoriser l’accès à la lecture et créer un centre de recherche documentaire pour les publics scolaires (sur le site du nouveau bâtiment des Archives Départementales qui ouvrira ses portes début 2005).
HV rappelle alors que Le Livre Blanc avait fait ressortir la nécessité d’un plan départemental d’accès à la lecture publique. Qu’en est-il ?
Aucune réponse.
FL demande en quoi l’existence d’un centre de recherche documentaire contribue-t-il à la lutte contre l’échec scolaire ?
Aucune réponse non plus.
AdM et M.C indiquent la mesure n°6 : développement de la politique d’éveil aux pratiques artistiques (prise en charge de frais occasionnés par l’intervention d’artistes en soutien aux enseignants et soutien au développement des classes à PAC).
FL intervient pour dire que le SNES et les collègues d’enseignement artistique veilleront à ce que ces interventions viennent bien en enrichissement du travail des enseignants. Nous ne pouvons pas ne pas mettre en parallèle cette mesure avec le projet ministériel d’optionalisation des enseignements artistiques en classe de 3e.
HV précise ensuite que les crédits pour les clases à PAC vont baisser de 30% à la rentrée 2004. La dotation du CG (30 000 €) va-t-elle s’y substituer ou est-ce autre chose ?
M.C répond que cette dotation correspond à la rémunération d’artistes pour qu’ils interviennent dans les établissements. Elle ne concerne pas des projets.
AdM présente la mesure n°7 : remise d’un chèque culture ou d’un chèque livre aux deux collégiens les plus méritants de chaque classe de 4e, identifiés par les équipes pédagogiques.
FL donne alors l’opposition de principe de la FSU à cette mesure : le rapport au savoir ne s’organise pas autour de la concurrence ; l’important quand on sait quelque chose, c’est de le partager. Si on met de l’argent entre les élèves, cela risque de déclencher des choses échappant au domaine pédagogique et que l’on ne contrôlera pas.
AdM dit qu’il s’agit d’un chèque culture et donc pas d’argent. Il ne faut pas sous estimer l’esprit de compétition auquel sont confrontés les élèves, à travers la télévision ou le sport.
Pour le représentant de la PEEP, c’est une mauvaise mesure : les difficultés sont déjà nombreuses dans les collèges, cela va en rajouter.
M.S pense que reconnaître la valeur d’un jeune, lui donner une récompense est valorisant pour lui, même s’il faut prendre des précautions d’ordre psychologique.
Pour la PEEP, s’il y a une récompense à donner, ce serait plutôt pour toute une classe.
Le Préfet pense que cette mesure doit être vue comme flexible, il ne s’agit pas d’entrer dans un cadre trop rigide.
FL précise que des encouragements existent déjà (Félicitations ou Encouragements lors des conseils de classe) et qu’il ne faut pas confondre encouragement et récompense. Cette mesure risque d’aggraver un mauvais climat de classe, en provoquant des rancœurs entre élèves et envers des enseignants. Or cette situation difficile devra être gérée par les enseignants.
Pour HV, l’école ne doit pas mettre en concurrence les élèves. La solution peut être de redistribuer l’argent au collège, à charge pour lui d’en disposer comme il l’entend. La FSU est très hostile à cette mesure, cette dernière doit disparaître du plan. HV pose deux questions : est-ce légal et compatible avec les principes de l’Education Nationale ? Comment un établissement devient-il volontaire ?
Selon AdM, cette mesure est légale. Il existe déjà de nombreux prix littéraires ou sportifs, attribués à des élèves.
La représentante de la FCPE s’exprime contre cette mesure. Un bilan devra en être fait : comment les élèves primés en 4° se sentiront-ils face à leurs camarades de 3° ?
M.S pense que cette mesure sera positive. Dans sa commune, il existe déjà un système de bourse dans les écoles qui fonctionne très bien, les élèves méritants ne sont pas stigmatisés.
AdM précise, après bien des hésitations, que les CA d’établissements détermineront si l’établissement est volontaire ou non pour ce dispositif.
(Compte-rendu Frédérique Lalys et pascal Rolando)
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Remarquons, pour terminer, la grande discrétion du Préfet et le mutisme de l’Inspecteur d’Académie sur ces questions, ce qui en dit long sur la conception des représentants du gouvernement concernant les missions nationales de l’État républicain, et ne laisse pas d’être inquiétant quant à la loi d’orientation annoncée pour l’automne.
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Donc vigilance dans les collèges !
Sur la question de la récompense « au mérite », nous invitons donc les S1, les syndiqués et les collègues à être très vigilants. Si la question est soumise au Conseil d’Administration, avant celui-ci, montrez aux partenaires de la communauté éducative, particulièrement aux parents d’élèves, les risques d’une telle mesure afin de la faire majoritairement repousser.