Lettre ouverte à F.Huwart, député PRG de Nogent-le-Rotrou

samedi 28 juin 2003
par  Olivier Mimeau

Lettre ouverte de l’Intersyndicale CGT-FO-FSU-SUD-UNSA et d’ATTAC-28 à Mr Huwart, député PRG de Nogent-le-Rotrou / Lucé

Depuis des semaines un mouvement social exceptionnel se développe et se poursuit dans le pays et le département pour exiger le retrait des plans Fillon sur les retraites et Ferry - Sarkozy sur la décentralisation. Après la manifestation du 4 juin à Nogent le Rotrou, contre le projet de reforme des retraites, vous avez reçu une délégation de représentants de l’intersyndicale et des acteurs du mouvement social. Lors de cette réunion, nous avons constaté que vous partagiez globalement la plupart de nos analyses et de nos positions. Afin de prolonger ce dialogue fructueux, nous sollicitons l’expression publique de votre soutien sur les points suivants :
Ø Comme vous l’avez rappelé, votre programme de campagne comprenait un engagement explicite en faveur d’une durée de cotisation de 37.5 annuités pour tous, secteur public ou privé, ce qui rejoint la revendication centrale de notre lutte. Nous pensons tout à fait opportun de renouveler cette prise de position.
Ø La duperie du plan Fillon qui sous couvert de sauver le régime de répartition en organise de démantèlement programmé doit être dénoncée.
  Notre attachement sincère et véritable au régime de retraite par répartition exige le retrait immédiat du texte et la prise en compte de véritables alternatives. Contrairement à ce que la pensée unique libérale tente de nous imposer sans débat démocratique, il est possible de concilier progrès social, justice et emploi. Nous vous demandons de préciser les modes de financement qui vous paraissent répondre à ces objectifs.
  Une véritable alternative nécessite la prise en compte de la mondialisation, l’ouverture des marchés ne peut tenir lieu de politique et la construction européenne n’a de sens pour nous, que si le social prime sur l’économique. Conscient de ces enjeux nous manifestons notre attachement au service public à la française qui bien loin de constituer une exception pourrait être un modèle.
Ø Au niveau du parlement, l’urgence pour l’opposition porte aujourd’hui sur le blocage du projet lors du débat parlementaire. Manifestement, le gouvernement a prévu de faire passer son projet en comptant sur la torpeur estivale pour désarmer la contestation. Alors, qu’au contraire, il faut le temps d’un large débat dans toute la société. Il nous semble indispensable que nos élus s’engagent activement dans une stratégie de guérilla juridique afin de déjouer ce piège. Des dépôts d’amendements pourraient pousser à engager la procédure du vote bloqué. Enfin, soixante députés disposent du pouvoir de saisir le conseil constitutionnel afin qu’il se prononce sur la conformité de ce projet qui bafoue, selon nous, le principe suivant, inscrit dans notre loi fondamentale « Elle [la nation] garantit à tous notamment [...] aux vieux travailleurs la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, [...] se trouve dans l’impossibilité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence. » Nous souhaitons que vous vous engagiez sur la voie de ces actions juridiques et relayiez sur le terrain politique notre opposition farouche à la régression sociale que la droite libérale tente de nous imposer. La reconquête d’une crédibilité auprès des citoyens, la lutte contre l’apathie politique et le repli individualiste passent selon nous par des actes qui attestent d’une rupture nette avec la logique de la résignation.

La réponse de Mr Huwart

Mesdames, messieurs,

Comme j’ai eu l’occasion de vous le dire lors de notre dernière entrevue, je suis fermement opposé au plan gouvernemental sut les retraites. Celui-ci a été élaboré sans véritable négociation préalable avec les organisations syndicales, le Gouvernement ayant fait le choix d’une concertation minimale de pure forme.

Sur une question aussi fondamentale qui touche à la conception même de notre société et considérant par ailleurs que le plan FILLON remet en cause les acquis sociaux aussi importants que la retraite à 60 ans et le système de retraite par répartition, je ne puis que condamner cette méthode indigne d’une société démocratique moderne,
Sur le projet de réforme lui-même, je considère qu’il doit être combattu notamment pour trois raisons essentielles :

1) il aboutira à la fois à un allongement anormal de la durée de cotisations et à une baisse importante des pensions de retraite ;
2) ce projet, faussement justifié par une volonté gouvernementale de sauvetage du système par répartition, ouvre en réalité la porte à son démantèlement et à l’avènement de la capitalisation. La baisse très importante des pensions servies dans quelques années, l’allongement illusoire de la durée de cotisations pou r des salariés entrant dans la vie active de plus en plus tard et invités à en sortir de plus en plus tôt par les entreprises conduiront les retraités à se tourner malgré eux vers la constitution de retraite par capitalisation ;
3) tel qu’il est présenté, le projet n’assure en rien l’équilibre financier de notre système de retraite et exigera, quoiqu’en dise le Gouvernement, une augmentation importante, dans un deuxième temps, des cotisations.

J’ajoute que le dispositif de décotes prévu par le texte placera inévitablement les salariés devant un choix anormal : partir plus tôt à la retraite avec une pension largement amputée ou continuer de travailler, pour ceux qui le pourront, au-delà d’un âge de la vie où chacun peut légitimement mieux profiter de quelques années de repos. L’actuel gouvernement prétend qu’ à son projet il n’y aurait pas d’alternative et que dès lors, il devrait être accepté par tous. Ceci est inexact, il est possible de trouver d’autres financements, d’autres moyens d’élargir l’assiette en ne faisant pas porter le poids de la contribution sur les seuls salariés Ou actifs. Je pense notamment que dans une société de plus en plus automatisée où les machines remplacent l’homme, une contribution pourrait être assise sur ces machines. Je pense aussi, comme je vous l’ai indiqué, que l’hypothèse de cotisations prélevées à un taux plus bas mais sur la durée de toute la vie permettrait de tenir compte dans J’avenir de l’inversion de la proportion des actifs et des inactifs.
Ces solutions seraient une réponse à ceux qui prétendent que l’allongement de la durée de cotisations est inévitable et mettraient un terme à une stratégie regrettable d’opposition des secteurs public et privé.
S’agissant du projet de loi de décentralisation de la gestion des personnels de l’Education Nationale, je vous confirme que si j’ai été favorable à la décentralisation de la gestion des bâtiments et des investissements matériels, je suis opposé au démantèlement des statuts des personnels de l’Education Nationale. Cette position est motivée par mon souci de maintenir un dispositif d’égal accès au savoir garanti par l’Etat dans un contexte européen et mondial où les menaces libérales remettent en cause la notion même de service public.
Je vous prie de croire, Mesdames, Messieurs, à l’assurance de mes sentiments les meilleurs.