Compte rendu partiel et partial du congrès du SNES de Bourges des 6, 7 et 8 Avril 2022
Les débats du congrès se sont déroulés autour des textes préparatoires répartis sur 4 thèmes : pratiques professionnelles, carrières, solidarités et syndicalisme. Ces textes doivent être de nouveau débattus et votés lors du congrès national de Montpellier. Les débats ont été jalonnés par des interventions de militants d’autres syndicats de la FSU et de l’UL CGT.
La table ronde
L’intervention du premier jour sur les inégalités animée par Jean-Paul Delahaye, ancien DGESCO de Vincent Peillon, a permis de mettre en valeur le nombre important de jeunes issus de familles vivants en dessous du seuil de pauvreté (60 % du revenu médian) à savoir 1 sur 5 (revenu médian de 1800€ et seuil de pauvreté à 60 % 1100€, chiffres de 2020).
Il a rappelé les différents problèmes liés à une situation de pauvreté à savoir : les retards de paiement impliquant de l’anxiété, les difficultés à se nourrir, à se soigner, à se loger.
L’éducation nationale n’est pas apte à prendre correctement en charge ces élèves, et les inégalités se reproduisent au sein de l’éducation nationale. 90000 jeunes sortent chaque années sans qualifications.
Mais la politique nationale qui baisse les budgets pour les bourses d’aides sociales, aggrave la situation : celles-ci ont été divisées par 2 en 20 ans. Et certains chef d’établissement favorisent parfois le non-recours à ce droit en ne proposant pas les aides à ceux qui en auraient besoin mais n’en aurait pas connaissance.
Les budgets de l’éducation nationale ont baissé ces 20 dernières années, et, par comparaison, la France investie 8 % de moins pour la scolarité du primaire et 35 % de plus en lycée, ce qui indique clairement son orientation vers un choix de « l’excellence » au profit des plus favorisés. Il a été souligné le caractère persistant des discriminations de classe dans l’orientation, notamment en 3e.
L’intervention de la chercheuse Camille Taillefer (professeur de SES dans l’académie de Créteil) est venue compléter cet exposé en soulignant les difficultés pédagogiques à prendre en compte les situations de pauvreté, soit qu’elles soient méconnues par l’équipe enseignante, soit qu’elles impliquent de la part des élèves des stratégies d’organisation (élève de lycée qui travaille, savoirs différents de ceux de l’école utilisés dans les recrutements dans le cadre de l’orientation, etc), qui ne cadrent pas avec la norme organisationnelle et disciplinaire de l’école.
2 autres interventions sont venues enrichir les discussions : celle d’une camarade de l’UL locale de la CGT de Bourges, qui a insisté sur les attaques répétées contre la fonction publique et celle d’un camarade de l’enseignement professionnel, du SNUEP. Ce dernier a fait un compte-rendu de la récente « concertation » avec Blanquer : les chefs d’établissements pourront distribuer davantage de primes pour les enseignants qui acceptent les formations proposées par le gouvernement par exemple.
Les débats
Le premier thème a présenté les orientations concernant l’évolution dans l’exercice de nos métiers. Les discussions ont portés sur : les difficultés de ne plus avoir de groupe classe depuis la réforme, les difficultés liées à l’évaluation en contrôle continue et les tensions possibles avec les familles, les manques liés aux critères d’évaluations du grand oral, etc.
Il a été souligné que le SNES ne revendique pas le simple retrait tel quel de la réforme Blanquer, jugeant qu’elle n’est pas satisfaisant mais que le précédant modèle en 3 séries générales ne l’était pas non plus. Et surtout, que les problèmes afférant aux réformes sont liés à la manière dont elles ont mises en œuvre : rapidité et caractère unilatéral de la décision.
L’articulation entre la 3e et la seconde a également permis de discuter de la découverte des disciplines professionnelles, et de maintenir la classe de seconde comme une année au cours de laquelle on se détermine.
Le deuxième thème a porté sur la question de la formation et de l’évolution de carrière. Au sujet du fonctionnement des établissements il a été discuté le fait que le chef d’établissement ne puissent pas avoir le droit de vote au CA concernant les décisions pédagogiques. Lorsqu’il a été question de la formation les critiques ont étés vives sur les nouvelles modalités d’entrée dans le métier (concours repoussé après le M2, stagiaires à temps plein) et la reconnaissance des tuteurs. D’autre part, il a été réaffirmé que les formations doivent être d’abord en présentiel et en distanciel sur la base du volontariat. Également que ces formations ne doivent pas être imposées mais proposées aux enseignants.
Concernant nos salaires, une forte revalorisation a été demandée, avec un début de carrière à 2,5 SMIC et une adaptation en conséquence des rémunérations des autres échelons. Il a été souligné l’utilisation abusive des heures supplémentaires au détriment de la création de postes, heures supplémentaires qui correspondent à une sous-rémunération des heures de travail. A ce titre, le SNES-FSU réclame d’augmenter le montant annuel de toute HSA au 18e ou 15e du traitement correspondant au dernier échelon du grade de l’enseignant.
La situation des PsyEn s’est dégradée et aucun poste n’a été créé depuis 20 ans, le SNES réclame un plan de recrutement dont recrutement de TZR capables d’assurer les remplacements afin de mettre pleinement sur pied un service public de l’orientation.
D’autre part, la parentalité ne doit pas nuire à l’avancement de carrière ce qui doit permettre une compensation des pertes de droits liées à la parentalité, notamment concernant la retraite. Le SNES-FSU réclame le réemploi automatique des contractuels en cas de congés maternité et une augmentation de l’indemnité de déplacement.
Un long débat a porté sur la question des AED, il était animé entre une perspective « pragmatiste » arguant que les AED ne sont plus des étudiants-travailleurs et qu’ils sont, dans l’académie, à 75 % des salariés à part entière. Ils s’agissait de proposer des modalités de carrières aux AED. D’un autre côté, les collègues qui ont pu assurer leurs études grâce à des fonctions réservées aux étudiants au sein des collèges et lycées étaient attaché à ce statut. Ce débat houleux a été résolu grâce à une proposition du bureau qui a fait consensus : demande de création d’un statut d’éducateurs scolaires et amélioration du statut des AED comme une étape vers d’autres métiers de la fonction publique. Satisfaction collective.
Les textes concernant la laïcité et son importance au sein de l’école n’ont pas fait débats. En effet, l’unanimité était faite, en dépit de la fatigue prégnante dans l’amphithéâtre, l’État instrumentalise la laïcité dans sa communication au lieu de la mettre en œuvre et de donner aux élèves les moyens d’une réflexion critique.
Cette troisième journée a démarré sur les propositions de vote de modification des statuts du SNES-FSU, et notamment la proposition de la CA académique de Créteil de mettre en place le paritarisme a minima dans les différentes instances. Ce débat, animé a largement souligné les difficultés d’une telle mise en place à petite échelle. D’autant plus que des militant
es redoutaient une surcharge pour les femmes déjà volontaires et engagées, voire une pression supplémentaire au nom d’un paritarisme qui s’afficherait comme un principe mais serait bloquant pour l’organisation militante au niveau local. Cependant, un certain nombre de prises de paroles ont insisté sur le fait que cela doit être un horizon pour le SNES que les femmes soient davantage représentées dans les instances du syndicat : au niveau de la présence des femmes dans le métier (70/30). Ainsi cela pourrait être le cas au niveau national.Les débats lors du troisième thème ont concerné notre société, et comment mener un syndicalisme offensif sur ces questions. Il a été rappelé l’importance des politiques de santé contre la désertification médicale, le rôle du numerus clausus et l’échec prévisible de la réforme des études de médecine. Le mandat historique du SNES-FSU sur le 100 % sécu (remboursement de 100 % des soins prescrits) n’a pas été oublié : il est toujours d’actualité. Il n’y a pas eu d’impasse sur le droit à la retraite et l’importance du code des pensions dans la fonction publique ou encore sur les stratégies écologiques qui pouvaient être menées dans ou en dehors de l’école.
Le quatrième thème concernait la syndicalisation, il s’agissait de réaffirmer l’importance d’étendre/augmenter le nombre de syndiqués, de mieux répartir les tâches avec les adhérents et de permettre que le S2 viennent appuyer le S1 lorsqu’il le juge nécessaire. Il s’agit également de clarifier le rôle de chaque personne à chaque strate de la hiérarchie du syndicat, de manière à garantir une lisibilité et une efficacité du syndicat.
Ce qui a plus particulièrement fait débat a été la question de donner explicitement la possibilité d’organiser des réunions non-mixtes, notamment de genre. Ce débat a fait suite à la question de la place des femmes dans le syndicats et des possibilités de penser davantage les modalités organisationnelles pour permettre de favoriser l’investissement des femmes, et plus généralement des parents, en dépit d’une vie de famille. Le débat sur l’intérêt de réunions organisées en non-mixité a été animé, leur principe émancipateur a été majoritairement admis.
Globalement, on a bu pleins de caféine, on a beaucoup parlé et on a bien rigolé. L’ambiance était bonne dans cette chapelle laïcisée qui résonne avec ces vitraux qui laissaient peu passer la lumière, mais de toute façon, il faisait moche.